Édition du mercredi 26 juillet 2017
Jacqueline Gourault : le gouvernement ne veut pas « supprimer des élus qui sont une richesse pour le territoire »
© Maire info
Le cap fixé aux collectivités pour 2018 est d’économiser 13 milliards sur leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement, faute de quoi, il y aurait un retour de bâton en 2019. Croyez-vous ces économies réellement réalisables et que répondez-vous aux élus qui estiment qu’elles menacent le maintien d’un certain nombre de services publics ?
Ces économies à réaliser dans les collectivités territoriales et la manière dont elles vont s’appliquer est l’un des sujets de discussion de la Conférence nationale des territoires. Des groupes de travail vont désormais se mettre en place dont un spécifique sur ce sujet afin de trouver, d’ici la fin de l’année, la manière dont ces économies vont pouvoir être réalisées. Le président de la République et le Premier ministre se sont en effet engagés à ce qu’il n’y ait pas de baisse des dotations en 2018, comme cela a été le cas les années précédentes. L’idée est donc de demander aux collectivités territoriales les domaines dans lesquelles les économies sont possibles et susceptibles de dégager des marges pour réinvestir. Le gouvernement sait très bien que les collectivités locales représentent le premier investisseur public. Et pour que l’attractivité économique des territoires soit encore plus forte, il faut aussi qu’il y ait des investissements dans les collectivités locales. Il faut regarder là où on peut réaliser des économies. Cela peut passer par la mutualisation, la réalité d’un travail de 35 h, —ce n’est pas toujours la réalité dans toutes les collectivités—, ou encore à certains endroits par la suppression d’un niveau de collectivité. Sur le périmètre de certaines métropoles, il y a le projet de supprimer le département. Tout cela se fera par la négociation, sans rien imposer à qui que ce soit. C’est la liberté d’organisation.
Lors de la Conférence des territoires, les propos du président ont surpris beaucoup d’élus lorsqu’il a évoqué l’idée de réduire le nombre d’élus. Veut-il, comme c’est le cas pour le Parlement, réduire le nombre d’élus locaux d’un tiers ? Et, dans ce cas, comment ?
Il ne s’agit pas du tout de la même chose. Le président de la République a expliqué qu’il était nécessaire de laisser la liberté aux élus locaux de s’organiser sur le territoire. Il pensait par exemple au développement des communes nouvelles : si de nombreuses communes fusionnent, inévitablement, en 2020, il y aura une diminution des conseils municipaux. On peut penser aussi que si des départements fusionnent, entre eux ou avec une métropole, cela fera évidemment moins d’élus. Mais à aucun moment le président de la République n’a imaginé de supprimer des élus qui sont très utiles et sont une richesse pour le territoire.
Cela dit, je me souviens qu’au moment de la loi Notre, des parlementaires avaient imaginé que dans les plus petites communes – celles qui ont 7 ou 11 conseillers municipaux – on pourrait passer à 9 et 5. Cela ne s’est finalement pas fait, mais cela répondait à la préoccupation de certains sénateurs disant que parfois, dans les petites communes, on avait du mal à trouver des candidats.
On peut se poser des questions, les choses ne sont pas immuables. On pourrait se poser la question aussi pour les communes moyennes. Je suis élue dans une commune de 4500 habitants, nous sommes 27 conseillers municipaux. Je le dis à titre personnel : si nous étions 25, ce ne serait pas une révolution.
Le président a aussi dit vouloir des élus « mieux protégés, mieux rémunérés, et plus libres ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
C’est ce qu’on appelle le statut de l’élu – un sujet que je connais bien. Dans la proposition de loi que nous avions présentée au Sénat avec Jean-Pierre Sueur, nous cherchions à permettre aux conseillers municipaux du secteur privé de se rapprocher de ceux venant du secteur public, pour leur garantir certaines formations, jours de congés, autorisations d’absence… Mais ce statut de l’élu est toujours perfectible, et la protection de l’élu est quelque chose de très important.
Je crois que sur ce terrain, le plus important est de faciliter la réinsertion professionnelle. Les élus qui sont dans le privé ont souvent des métiers difficilement compatibles avec une fonction d’élu. Ils sont alors obligés de quitter leur métier… sans avoir de certitude de pouvoir le retrouver au bout de six ans. Il faudrait protéger et faciliter ce retour.
Le Premier ministre a annoncé son souhait de la suppression d’un niveau de collectivités, pour ne conserver que deux niveaux infra-régionaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il n’y a pas de volonté de supprimer un niveau. Certains considèrent que communes et intercommunalités, cela fait deux et d’autres que cela ne fait qu’un. Pour ma part, le bloc communal ne fait qu’un puisque ce sont les communes qui forment les intercommunalités. Puis il y a le département et la région. Il est vrai que, vu de l’extérieur, la création régulière de métropoles ou de communautés urbaines peut brouiller un peu l’image mais en réalité, nous n’avons que trois niveaux de collectivités locales et c’est bien. Il n’est pas question pour le gouvernement de supprimer l’un de ces niveaux. Si le président de la République dit que les départements peuvent fusionner s’ils le veulent, c’est bien la preuve que les autres continuent d’exister.
Le mouvement de créations de communes nouvelles a été un grand succès, et le président de la République semble vouloir le voir se poursuivre. Comment le gouvernement va-t-il encourager les communes nouvelles ? Cela peut-il prendre à nouveau la forme d’incitations financières ?
Oui, le gouvernement va favoriser le développement des communes nouvelles. Mais le mouvement se développe lui-même !
Faut-il continuer les incitations financières ? Je rappelle que l’avantage qui a été donné aux communes nouvelles ces dernières années a été de leur éviter la contribution imposée sur la DGF. Comme il n’y aura plus de diminution de la DGF, on ne pourra pas faire la même chose. Faudra-t-il trouver quelque chose de spécifique ? Peut-être. Mais l’essentiel pour la création d’une commune nouvelle, ce n’est pas la carotte financière, c’est d’avoir un projet.
En tant que sénatrice, vous avez soutenu plusieurs propositions pour corriger certains aspects de la loi Notre, notamment le transfert obligatoire de la compétence eau à l’intercommunalité. Le président de la République s’est montré ouvert à l’idée de revenir sur cette obligation de transfert, ainsi que sur celle du transfert des transports scolaires aux régions. Quelle suite voyez-vous à ce dossier ?
Le transfert des transports scolaires a fait l’objet d’un très long débat au Sénat. Si on n’a pas voulu découper la compétence transports en mettant d’un côté les transports urbains et, de l’autre, les transports scolaires, la loi permet la subdélégation. Aujourd’hui, en cas d’accord entre un département et une région ou une région et plusieurs départements, la loi permet de redonner au département la compétence transports scolaires. Je ne sais pas s’il faut revenir sur ce sujet.
En ce qui concerne l’eau, il y a trois problèmes identifiés : les eaux pluviales, l’approvisionnement en eau potable dans les territoires ruraux, et la Gemapi.
Il est clair qu’il faut revenir sur le sujet des eaux pluviales et de la Gemapi. Le président de la République l’a dit. Sur l’eau potable, il y a deux écoles : ceux qui mettent en avant les difficultés et ceux qui pensent que la ressource en eau doit être mutualisée. Quoiqu’il en soit, c’est un sujet qui est aussi sur la table.
Les élus demandent aujourd’hui qu’on les laisse digérer les quelque 500 fusions intervenues en 2016. En début d’année, le Sénat proposait à votre initiative de permettre un exercice territorialisé des compétences pour les communautés XXL. Peut-on dire que la loi Notre est allée trop loin en matière de taille des intercommunalités ?
Il y a eu un débat très important autour de l’exigence minimum de population et le Parlement a décidé du seuil de 15 000 habitants avec des dérogations possibles dans les départements de faible densité. Mais il y a eu aussi la création de communautés XXL, souvent, il faut le souligner, sur la volonté des élus. On ne peut donc pas dire que la loi Notre est allée trop loin. Elle imposait un minimum mais évidemment pas de maximum.
Mais il est vrai que l’exercice de certaines compétences peut poser problème à l’échelle des très grandes intercommunalités, d’où l’idée du sénateur Mathieu Darnaud de proposer que certaines compétences puissent être territorialisées. Il s’agissait d’apporter de la souplesse.
C’est là que la réflexion du président de la République prend toute sa pertinence, à savoir que l’on ne peut pas appliquer strictement les mêmes choses partout sur les territoires, les collectivités sont différentes et organisées de façon différente. Il faut donc avoir des réponses suffisamment souples pour permettre l’efficacité de l’application des politiques publiques sur un territoire.
Ces économies à réaliser dans les collectivités territoriales et la manière dont elles vont s’appliquer est l’un des sujets de discussion de la Conférence nationale des territoires. Des groupes de travail vont désormais se mettre en place dont un spécifique sur ce sujet afin de trouver, d’ici la fin de l’année, la manière dont ces économies vont pouvoir être réalisées. Le président de la République et le Premier ministre se sont en effet engagés à ce qu’il n’y ait pas de baisse des dotations en 2018, comme cela a été le cas les années précédentes. L’idée est donc de demander aux collectivités territoriales les domaines dans lesquelles les économies sont possibles et susceptibles de dégager des marges pour réinvestir. Le gouvernement sait très bien que les collectivités locales représentent le premier investisseur public. Et pour que l’attractivité économique des territoires soit encore plus forte, il faut aussi qu’il y ait des investissements dans les collectivités locales. Il faut regarder là où on peut réaliser des économies. Cela peut passer par la mutualisation, la réalité d’un travail de 35 h, —ce n’est pas toujours la réalité dans toutes les collectivités—, ou encore à certains endroits par la suppression d’un niveau de collectivité. Sur le périmètre de certaines métropoles, il y a le projet de supprimer le département. Tout cela se fera par la négociation, sans rien imposer à qui que ce soit. C’est la liberté d’organisation.
Lors de la Conférence des territoires, les propos du président ont surpris beaucoup d’élus lorsqu’il a évoqué l’idée de réduire le nombre d’élus. Veut-il, comme c’est le cas pour le Parlement, réduire le nombre d’élus locaux d’un tiers ? Et, dans ce cas, comment ?
Il ne s’agit pas du tout de la même chose. Le président de la République a expliqué qu’il était nécessaire de laisser la liberté aux élus locaux de s’organiser sur le territoire. Il pensait par exemple au développement des communes nouvelles : si de nombreuses communes fusionnent, inévitablement, en 2020, il y aura une diminution des conseils municipaux. On peut penser aussi que si des départements fusionnent, entre eux ou avec une métropole, cela fera évidemment moins d’élus. Mais à aucun moment le président de la République n’a imaginé de supprimer des élus qui sont très utiles et sont une richesse pour le territoire.
Cela dit, je me souviens qu’au moment de la loi Notre, des parlementaires avaient imaginé que dans les plus petites communes – celles qui ont 7 ou 11 conseillers municipaux – on pourrait passer à 9 et 5. Cela ne s’est finalement pas fait, mais cela répondait à la préoccupation de certains sénateurs disant que parfois, dans les petites communes, on avait du mal à trouver des candidats.
On peut se poser des questions, les choses ne sont pas immuables. On pourrait se poser la question aussi pour les communes moyennes. Je suis élue dans une commune de 4500 habitants, nous sommes 27 conseillers municipaux. Je le dis à titre personnel : si nous étions 25, ce ne serait pas une révolution.
Le président a aussi dit vouloir des élus « mieux protégés, mieux rémunérés, et plus libres ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
C’est ce qu’on appelle le statut de l’élu – un sujet que je connais bien. Dans la proposition de loi que nous avions présentée au Sénat avec Jean-Pierre Sueur, nous cherchions à permettre aux conseillers municipaux du secteur privé de se rapprocher de ceux venant du secteur public, pour leur garantir certaines formations, jours de congés, autorisations d’absence… Mais ce statut de l’élu est toujours perfectible, et la protection de l’élu est quelque chose de très important.
Je crois que sur ce terrain, le plus important est de faciliter la réinsertion professionnelle. Les élus qui sont dans le privé ont souvent des métiers difficilement compatibles avec une fonction d’élu. Ils sont alors obligés de quitter leur métier… sans avoir de certitude de pouvoir le retrouver au bout de six ans. Il faudrait protéger et faciliter ce retour.
Le Premier ministre a annoncé son souhait de la suppression d’un niveau de collectivités, pour ne conserver que deux niveaux infra-régionaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il n’y a pas de volonté de supprimer un niveau. Certains considèrent que communes et intercommunalités, cela fait deux et d’autres que cela ne fait qu’un. Pour ma part, le bloc communal ne fait qu’un puisque ce sont les communes qui forment les intercommunalités. Puis il y a le département et la région. Il est vrai que, vu de l’extérieur, la création régulière de métropoles ou de communautés urbaines peut brouiller un peu l’image mais en réalité, nous n’avons que trois niveaux de collectivités locales et c’est bien. Il n’est pas question pour le gouvernement de supprimer l’un de ces niveaux. Si le président de la République dit que les départements peuvent fusionner s’ils le veulent, c’est bien la preuve que les autres continuent d’exister.
Le mouvement de créations de communes nouvelles a été un grand succès, et le président de la République semble vouloir le voir se poursuivre. Comment le gouvernement va-t-il encourager les communes nouvelles ? Cela peut-il prendre à nouveau la forme d’incitations financières ?
Oui, le gouvernement va favoriser le développement des communes nouvelles. Mais le mouvement se développe lui-même !
Faut-il continuer les incitations financières ? Je rappelle que l’avantage qui a été donné aux communes nouvelles ces dernières années a été de leur éviter la contribution imposée sur la DGF. Comme il n’y aura plus de diminution de la DGF, on ne pourra pas faire la même chose. Faudra-t-il trouver quelque chose de spécifique ? Peut-être. Mais l’essentiel pour la création d’une commune nouvelle, ce n’est pas la carotte financière, c’est d’avoir un projet.
En tant que sénatrice, vous avez soutenu plusieurs propositions pour corriger certains aspects de la loi Notre, notamment le transfert obligatoire de la compétence eau à l’intercommunalité. Le président de la République s’est montré ouvert à l’idée de revenir sur cette obligation de transfert, ainsi que sur celle du transfert des transports scolaires aux régions. Quelle suite voyez-vous à ce dossier ?
Le transfert des transports scolaires a fait l’objet d’un très long débat au Sénat. Si on n’a pas voulu découper la compétence transports en mettant d’un côté les transports urbains et, de l’autre, les transports scolaires, la loi permet la subdélégation. Aujourd’hui, en cas d’accord entre un département et une région ou une région et plusieurs départements, la loi permet de redonner au département la compétence transports scolaires. Je ne sais pas s’il faut revenir sur ce sujet.
En ce qui concerne l’eau, il y a trois problèmes identifiés : les eaux pluviales, l’approvisionnement en eau potable dans les territoires ruraux, et la Gemapi.
Il est clair qu’il faut revenir sur le sujet des eaux pluviales et de la Gemapi. Le président de la République l’a dit. Sur l’eau potable, il y a deux écoles : ceux qui mettent en avant les difficultés et ceux qui pensent que la ressource en eau doit être mutualisée. Quoiqu’il en soit, c’est un sujet qui est aussi sur la table.
Les élus demandent aujourd’hui qu’on les laisse digérer les quelque 500 fusions intervenues en 2016. En début d’année, le Sénat proposait à votre initiative de permettre un exercice territorialisé des compétences pour les communautés XXL. Peut-on dire que la loi Notre est allée trop loin en matière de taille des intercommunalités ?
Il y a eu un débat très important autour de l’exigence minimum de population et le Parlement a décidé du seuil de 15 000 habitants avec des dérogations possibles dans les départements de faible densité. Mais il y a eu aussi la création de communautés XXL, souvent, il faut le souligner, sur la volonté des élus. On ne peut donc pas dire que la loi Notre est allée trop loin. Elle imposait un minimum mais évidemment pas de maximum.
Mais il est vrai que l’exercice de certaines compétences peut poser problème à l’échelle des très grandes intercommunalités, d’où l’idée du sénateur Mathieu Darnaud de proposer que certaines compétences puissent être territorialisées. Il s’agissait d’apporter de la souplesse.
C’est là que la réflexion du président de la République prend toute sa pertinence, à savoir que l’on ne peut pas appliquer strictement les mêmes choses partout sur les territoires, les collectivités sont différentes et organisées de façon différente. Il faut donc avoir des réponses suffisamment souples pour permettre l’efficacité de l’application des politiques publiques sur un territoire.
Propos recueillis par Franck Lemarc et Christine Nemarq
Regarder l'intégralité de l'interview (26 minutes).
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